Prendre appui sur les mots,

30 coups de bâton.

Prendre appui sur la méditation,

30 coups de bâton.

Prendre appui sur le vide, 

10 000 coups de bâton.

 

 

"La poésie est l'exercice de l'éveil"

(K'ing-tche au 12ème siècle)

 

Un quatrain suffit en fait à exprimer l'expérience de l'infini. Poésie chinoise et méditation se rejoignent dans la dimension intérieure :

 

"A la différence d'un texte doctrinal, le poème ne signifie pas, il EST: il éveille un sentiment du réel hors de toute conceptualisation logique. Confrontés pareillement à l'état originel de toute expérience, le poète transcrit ce qu'explore silencieusement le méditant."

(P. Carré dans "La montagne vide") 

Po Chu Yi (772-846):

 

Aussi connu sous le nom de Bai Juyi, Po Chu-yi, l’ermite du mont Parfumé, mandarin en renom, poète et disciple laïc du bouddhisme Chan, est resté célèbre pour avoir fait aménager le Lac de l’Ouest quand il était gouverneur de Hang-chow. À soixante ans il se retire dans sa maison de Lo-yang, la capitale de l’est, où il mène, jusqu’à sa mort à soixante-quinze ans, la vie d’un “moyen ermite” selon ses termes, un pied dans le monde, un pied en dehors.

 

Quelques extraits ci-dessous de l'excellent livre "PO CHU YI un homme sans affaire" aux éditions Moundarren :

 

"... à l'origine je suis un homme de la montagne,

pris par erreur dans les filets du monde

pris dans les filet, on m'a envoyé étudier

on m'a poussé à poursuivre mes études

recommandé, j'ai décroché un poste

j'avais pour tâche de rédiger les décrets impériaux

puis, sans mérite particulier, j'ai été promu censeur

mais mon intransigeance et mon honnêteté ne conviennent pas au temps

sans utilité, j'ai occupé ce poste sans remplir une vraie fonction

cela m'a causé de la honte et du tracas

soucieux, j'étais rarement joyeux

à ne rien accomplir la force du coeur s'épuise

pas encore vieux mon coeur déjà s'abîmait

mais aujourd'hui en enlevant mes épingles et ma ceinture d'insignes,

aussitôt j'ai eu l'impression d'être libéré d'un calvaire

dans les montagnes et les eaux je vais maintenant me promener

je vais pouvoir enfin laisser aller ma rudesse et mon obstination

comme un cerf sauvage ayant brisé ses attaches,

marchant et courant sans entrave

ou un poisson de l'étang libéré dans la mer,

une fois parti on ne sait quand il reviendra

le corps vêtu d'une bure d'ermite,

à la main le livre de Chuang-Tsu,

je vais enfin m'installer dans les montagnes,

ayant pour toujours coupé les liens avec le monde

j'ai aujourd'hui quarante ans

désormais je vais mener une vie oisive

si je dois atteindre soixante-dix ans,

il me reste encore trente années ..."

 

"Passant la nuit dans le pavillon au milieu des bambous

le soir je m'assois sous l'auvent près des pins

la nuit je dors dans le pavillon au milieu des bambous

la quiétude et la vacance en guide de remède

seul, éloigné du monde, comme si je m'étais retiré

dans les montagnes

l'ingéniosité ne triomphe pas de la maladresse

être oisif vaut mieux que d'être constamment affairé

inutile de s'évertuer à cultiver le tao

là se trouve la porte du mystère"

 

"Le grand ermite habite au milieu de la Cour et du marché

le petit ermite retourne dans les montagnes sauvages

mais dans les montagnes sauvages, la solitude est trop pesante,

et au milieu de la Cour et du marché, la clameur trop incommodante

il est préférable d'être un moyen ermite,

en retrait à un poste détaché

c'est à la fois comme être dans le monde et s'en retirer

pas trop occupé ni trop oisif

sans se fatiguer le coeur ni user ses forces,

mais épargné par la faim et le froid

toute l'année sans obligation officielle,

pourtant tous les mois on touche un salaire

si on aime grimper,

au sud de la ville il y a les montagnes en automne

si on aime flâner,

à l'est de la ville il y a le parc au printemps

si on aime s'enivrer,

de temps à autre on est invité à un banquet

à Lo-yang il y a beaucoup de gentilhommes,

avec qui parler joyeusement et sans retenue

si on veut s'allonger tranquillement,

il n'y a qu'à bien fermer le portail

ainsi plus de visiteurs, avec carrosses et chevaux,

arrivant inopinément devant la porte

dans la vie d'un homme,

il est difficile de n'avoir que le bon côté des choses

humble, on souffre du froid et de la faim

prospère, on est accablé par les soucis et le tracas

il n'y a que le moyen ermite, sans aucun doute,

pour installer son corps dans le bonheur et la paix

échec et réussite, abondance et manque,

on se tient à égale distance des quatre"