Prendre appui sur les mots,

30 coups de bâton.

Prendre appui sur la méditation,

30 coups de bâton.

Prendre appui sur le vide, 

10 000 coups de bâton.

La nature de l'esprit

est de tout temps non-née,
A la voir et connaître,

pourquoi donc s'épuiser ?
Puisqu'il n'existe rien,

de toute éternité,
D'ignorance de pratique,

qui donc peut parler ?
 
Aller et puis venir,

sans trouver une issue,
C'est mener une quête

sans jamais voir le but.
De tout cela encore

il vaut mieux s'abstenir
Pour que la claire lumière

se mette à resplendir.
 
Les expériences passées

ne sont que vacuité,
Mais avec le savoir

débute toute errance.
L'esprit distinctement

illumine les objets,
Entraîné par l'objet,

il plonge dans le chaos.
 
Qu'un seul brin d'inertie

touche l'esprit unifié
Et toutes les choses

en sont à jamais obstruées.
Tout vient et disparaît,

tout naturellement,
Pourquoi se perdre ainsi

dans une vaine poursuite ?


Lorsque toute naissance

est une non naissance,
La naissance et l’objet

sont à égalité.
Si vous utilisez l’action

du Vide d’esprit,
Vous obtiendrez pour sûr

un esprit purifié.

 

En toutes circonstances,

ne créez d’objet,
Il n’y a rien de plus subtil

ni de plus vrai.
L’état de connaissance

est une inconnaissance
Par laquelle est connue

de toutes choses l’essence.


Se fixer sur l’esprit

pour le rendre immobile,
C’est n’être toujours pas

exempt d’imperfection,
Car la nature foncière

paraît précisément
Lorsque naissance et mort

sont enfin abolies.

 

Le principe absolu

est indéfinissable,
En lui nulle délivrance,

et nul enchaînement.
Il fait écho à tout,

magique et pénétrant,
Et là devant vos yeux

se trouve constamment.

 

Si là devant vos yeux

il n'est aucun objet,

Ce vide d'objet étant

le repos ineffable,

Ne faites donc pas d'effort

sur le miroir Sapience,

Car l'essence est d'elle-même

vide et impénétrable.

 

Une pensée s'élève,

et puis elle s'évanouit,

Sans nulle distinction

de l'après et l'avant,

Car la pensée suivante

étant sans origine,

La pensée précédente

se dissout sur le champ.

 

Passé présent avenir

sont sans aucun objet,

Ils ne comportent en fait

ni esprit ni Bouddha.

Les êtres de tout temps

demeurent vides d'esprit

Et surgissent sur la base

de cette absence d'esprit.

 

Profane et éveillé

deviennent différentiés,

Surgissant,les passions

atteignent à l'apogée,

Les stratagèmes mentaux

détournent du permanent,

Et la quête du Réel

vous met dos à la Voie.

 

A cette double méprise,

si vous remédiez,

De l'esprit transparaît

la diaphanéité.

Nul besoin de prouesses,

ni d'ingéniosité,

Conservez seulement

l'état du nouveau-né.

 

Dans ce silence paisible

perce la connaissance,

Ne vous aveuglez pas

dans toutes les notions,

Car il n'est de notion

dans cet immense silence

Pas plus que dans l'Obscur

de votre résidence.

 

Etre assis ou debout,

aller ou bien venir,

A toutes ces démarches,

ne vous accrochez point,

Car la Voie ne comprend

aucune direction,

Et il n'y a personne

pour entrer ou sortir.

 

En elle aucune union,

aucune dispersion

Encore moins de lenteur

ou de rapidité.

La claire immensité

est spontanéité

Et demeure au-delà

de toute formulation.

 

L'esprit non différent

de l'esprit ordinaire

N'est coupé du désir

ni même de la luxure;

La nature étant vide

et spontanément libre,

Les choses émergent

et plongent

au fil des circonstances.

 

L'esprit est dégagé

du pur et de l'impur

De même que du profond

ou du superficiel,

L'esprit dès l'origine

ne relève du passé,

Et aujourd'hui encore

il n'est pas du présent.

 

Le voici maintenant,

vide de toute attache,

Le voici maintenant,

l'esprit originel

Qui depuis le début,

étant inexistant

A donc toujours été

ce qu'il est maintenant.

 

Depuis toujours existe

cette bouddhéité

Pourquoi donc devrait-on

encore la conserver ?

Les passions de tout temps

n'ont jamais existé

Pourquoi donc s'activer

à les éliminer ?

 

Quand l'intuition connaît

et s'illumine elle-même,

Toutes les choses retournent

à ce qu'elles sont vraiment,

Sans qu'il y ait retour,

ni même perception

Plus de contemplation,

ni de concentration.

 

Les quatre qualité sont

de tout temps non nées

Et les trois Corps en fait

ont toujours existé

Mais si les sens répondent

aux six domaines des sens,

Les distinctions s'élèvent

et cachent la Connaissance.

 

Que l'esprit unifié demeure

sans vaines pensées,

Pour que toute cause soudain

se trouve harmonisée.

La nature de l'esprit

est équanimité

Résidez dans le deux

sans vous y accrocher.

 

Dans la non production,

accordez vous aux choses,

Et goûtez en tout lieu

un doux repos paisible,

Car la source de l'éveil

est un manque d'éveil,

Mais une fois éveillé,

il n'y a pas d'éveil.

 

L'obtention et la perte

sont deux extrémité,

Qui donc discourt ainsi

sur le bien et le mal ?

Toutes les créations,

tous les comportements

Sont fondamentalement

vides de création.

 

Sachant que les pensées

ne sont pas cet esprit,

La maladie n'est plus,

nul besoin de remède.

Lorsqu'on est égaré,

on cherche à lâcher prise,

Mais une fois éveillé

ce n'est pas différent.

 

Dès l'origine

il n'y a rien à acquérir

Que devrait-on dès lors

quitter et délaisser ?

Et déclarer que l'être

est un démon prospère,

C'est donner une forme

à ce qui n'en a pas.

 

Il ne faut pas trancher

les passions ordinaires,

Apprenez seulement

à dissoudre l'intention,

Car l'esprit s'évanouit

en l'absence d'intention

Et les pratiques s'épuisent

en l'absence de pensées.

 

Inutile d'attester

une quelconque vacuité

Qui est partout diffuse

et toujours spontanée.

Lorsque naissance et mort

sont à jamais tranchées,

Cet esprit unifié

accède à l'Absolu.

 

Lorsque les yeux ouverts,

l'on voit les apparences,

L'esprit différentie

les différents objets.

Si votre esprit demeure

dans l'absence d'objet,

Les objets demeureront

dans l'absence d'esprit.

 

S'emparer de l'esprit

pour abolir l'objet

Crée une interférence

entre esprit et objet.

L'esprit est extinction,

l'objet apaisement,

Ainsi nul abandon,

encore moins d'obtention.

 

L'objet avec l'esprit

s'éteint et disparaît

et l'esprit disparaît

dès que l'objet n'est plus.

Lorsqu'esprit et objet

sont enfin non produits,

Dans cet apaisement,

le Vide resplendit.

 

L'ombre de la Bodhi

est telle un fin reflet

Dans la pure transparence

de cet esprit limpide.

La nature efficiente

nous rend tel un idiot

Qui ne distingue plus

l'ami de l'étranger.

 

Restez indifférent

à l'honneur ou au blâme,

Ne choisissez donc plus

le moindre point d'appui

Pour que toute cause soudain

se dissolve entièrement

Et que tout souvenir

s'envole à tout jamais.

 

Que l'éternelle nuit

soit tout comme le jour

Et le jour éternel

soit tout comme la nuit.

 

Etant en apparence

sournois et entêté,

Restez au fond de vous

modeste et droit d'esprit,

Toujours inébranlable

par les objets des sens,

Analogue au toujours

plein de vigueur.

 

Soyez sans point de vue,

même celui d'être homme,

Cette absence de notion

étant toujours présente.

L'esprit pénètre alors partout

et dans toute chose;

Et sachez qu'il n'en fut

jamais différemment.

 

Seules les réflexions

obscurcissent l'esprit,

et sèment la confusion

dans les esprits vitaux.

L'on veut alors stopper

le mouvement de l'esprit,

Lequel s'arrête parfois,

puis repars au galop.

 

Sachez que toute chose

est sans aucune attache,

Il faut considérer

cette seule réalité,

Il n'existe de sortie,

il n'existe de plongée,

Il n'y a pas de calme,

encore moins de vacarme.

 

Eveillés solitaires

et vous les Auditeurs,

Vous ne sauriez parler

de cette Connaissance,

Car en réalité

il n'y a pas d'objet,

Il subsiste seulement

la sublime Connaissance.

 

O vide jaillissant

de cette réalité

Dont l'esprit ne saurait

épuiser les ressources.

Lorsque l'éveil est là;

il n'y a pas d'éveil,

Et la non vacuité

est vacuité réelle.

 

Tous les Bouddhas

passés présents et à venir

Prennent pour véhicule

cet seul enseignement,

Dont la moindre partie

de la pointe d'un poil

Embrasse en son entier

les innombrables mondes.

 

il n'y a vraiment rien

dont il faille s'enquérir

Comme il n'est nul endroit

où apaiser l'esprit,

Le Vide lumineux

se met à resplendir.

 

Dans la douce quiétude

de cette non production,

Dans les vastes étendues

de cette libération,

Où tout acte est enfin

sans aucune stagnation,

Aller ou demeurer

sont à égalité.

 

La sapience est alors

un paisible soleil

Dans la claire lumière

de la concentration,

Eclairant le jardin

du Vide d'apparences

Et la cité divine

de la grande extinction.

 

Toute cause est oubliée

et s'est désagrégée,

La vérité divine efface

tous les doutes,

Sans vous lever du siège

sur lequel vous prêchez,

Dans la salle vide,

dès lors, en paix vous reposez.

 

Goûtez de cette Voie

les délices et la joie

tout en vagabondant

dans la Réalité,

Sans jamais rien à faire,

ni rien à obtenir,

Et laissant tout surgir

sur ce fonds de non-être.

 

Les six paramita,

les quatre égalités

sont un même véhicule

et un même sentier,

Si vous n'avez l'idée

de les interpréter,

Toutes choses demeurent

toujours dans l'indifférencié.

 

Sachant désormais que

naissance est non naissance

ici et maintenant

paraît la permanence,

Et le Sage a enfin

cette ultime Connaissance,

Qu'il a appréhendée

sans l'expression verbale.

 

(Poème attribué à Nieou-t'eou

et traduit du chinois par Catherine Despreux)